Analyse de la situation sur les Abus et Exploitation Sexuels des Enfants en Ligne (AESEL) menée dans les 6 villes de Madagascar : Antananarivo, Nosy Be, Mahajanga, Toamasina, Toliara, Taolagnaro
Le Rapport final de l’ Analyse de la situation sur les Abus et Exploitation Sexuels des Enfants en Ligne (AESEL) menée dans les 6 villes de Madagascar est publié officiellement. Cette recherche est initiée par ECPAT France à Madagascar et financé par UNICEF Madagascar.
Le monde continue d’être de plus en plus digitalisé et connecté. L’internet et l’accès aux technologies de l’information et communication créent de nouveaux dangers dans ce domaine, car ils élargissent la portée des prédateurs sexuels. Les enfants et les jeunes sont plus susceptibles d’être victimes de cyber crimes que les adultes. Plus les enfants sont jeunes plus ils ont sont particulièrement vulnérables aux abus commis par un adulte ou pair à cause de la gravite de leur traumatisme. Les filles sont les plus susceptibles d’être victimes de méfaits en ligne impliquant des activités sexuelles. Les enfants victimes d’Abus et exploitation sexuels en ligne gardent souvent le silence sur ce qu’ils ont vécu car la plupart du temps les agressions en ligne n’ont pas d’effets ni de séquelles physiques sur les enfants. Le manque de supervision des enfants par les parents et le manque de compétence des parents dans l’utilisation d’internet font que les enfants soient plus facilement à la merci des abuseurs en ligne. De plus, le manque de règlementation entourant l’utilisation d’internet en toute sécurité par les enfants dans les écoles et dans les cybers vient renforcer leur exposition aux différentes formes d’abus et exploitation sexuels des enfants en ligne. Les abus et exploitation sexuels en ligne sont d’autant plus grave dans un pays comme Madagascar où les normes dictent les parents et la communauté de se taire face à toute forme de violence même si elle est perpétrée sur un enfant. La récente pandémie COVID-19 qui a frappé Madagascar de plein coup a augmenté les risques d’exposition des enfants aux un impact négatif sur les Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne tels que vécu par des enfants rencontrés dans le cadre de la recherche.
OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
- Dégager des tendances par ville sur l’utilisation d’internet/Technologie d’information et de communication par les enfants de toutes catégories socio-économiques ;
- comprendre les manifestations de l’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne (aussi bien dans le type d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne que dans sa fréquence/récurrence) ;
- identifier les réactions des enfants face à l’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne et les ressources dont ils disposent pour s’en protéger/y répondre ;
- identifier les stratégies de prévention pour prévenir les risques d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne ;
- déterminer des recommandations concrètes qui pourront servir aux plaidoyers auprès des pouvoirs publics/juridiques et être intégrées dans la Politique nationale de protection de l’enfant.
METHODOLOGIE
L’analyse situationnelle de l’Abus et exploitation des enfants en ligne dans les 6 villes d’étude : Nosy be, Antananarivo, Mahajanga, Toamasina, Toliara, Taolagnaro a été réalisée à travers la triangulation des données obtenues à partir :
- D’une revue documentaire préliminaire afin de comprendre le cadre institutionnel et juridique des Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne à Madagascar et au niveau global ;
- Des enquêtes auprès des ménages issues des 6 villes
- 1502 enfants âgés entre 9 et 17 ans dont 55,2% de filles et 44,8% de garçons ; 66,7% d’enfants ayant entre 15-17 ans et 33,3% d’enfants ayant entre 9-14 ans ;
- 554 parents dont 67% de mères et 33% des pères
- Des focus groups avec 231 parents dont 109 pères et 122 mères
- Des focus groups avec 132 enseignants/ personnels d’école ;
- Des récits de vie de 53 enfants âgés de 9-17 ans, survivants d’Abus et Exploitation des enfants en ligne dont 41 filles et 12 garçons
- Des entretiens avec 18 gérants de cybercafé, et 36 gérants de restaurants et d’hôtels
- Des entretiens auprès de 87 représentants/ responsables des ministères, organismes gouvernementaux et ONGs, fournisseurs d’accès internet.
LIMITES DE L’ETUDE
- Les résultats ont une signification statistique limitée à la population enquêtée dans les six villes d’enquête, rendant leur interprétation aux niveaux national et régional sujette à réserves ;
Plusieurs autres formes de violences peuvent se produire en ligne. Les autres cas de violences qui touchent les enfants en ligne comme le Cyber bullying ne sont pas prises en compte dans cette recherche car elle se focalise exclusivement sur les formes d’abus et exploitation sexuels des enfants en ligne.
LES PRINCIPAUX RESULTATS DE RECHERCHE
Cadre juridique et légal protégeant les enfants contre les abus et exploitations sexuels en ligne a Madagascar
La loi n°2014-006 sur la lutte contre la cybercriminalité
- Dans son Chapitre II relatif aux « Atteintes aux personnes physiques par le biais d’un système d’information », cette loi réprime la « pédopornographie » ou « pornographie mettant en scène des enfants » et toute représentation du corps d’un enfant, incluant ainsi les dessins et les images de synthèse
- L’article 24 de la loi n°2014-006 sur la lutte contre la cybercriminalité pourrait s’appliquer aux auteurs de Grooming, de Sexting ou de Sextorsion, à partir du moment où lesdits auteurs sont des majeurs, faisant des propositions sexuelles à un enfant en utilisant un moyen de communication électronique.
- La loi sur la cybercriminalité n’incrimine pas seulement ceux qui produisent, diffusent ou partagent des images pédopornographiques, mais également ceux qui les « consomment ».
Le Code Pénal malagasy dans une démarche de lutte contre la « Pédophilie » en 1998, punissait déjà dans son article 346 la pédopornographie
La loi N° 2014-040 sur la lutte contre la traite des êtres humains :
Cette loi a étendu la notion de « traite des êtres humains » aux cas d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, couvrant ainsi l’exploitation sexuelle en ligne des enfants
La loi N° 2007-023 du 20 août 2007 sur les droits et la protection des enfants :
De manière générale, l’article 4 de la loi N° 2007-023 du 20 août 2007 sur les droits et la protection des enfants interdit les abus et les exploitations sexuels en ligne des enfants
Utilisation et accès à l’internet chez les enfants :
- L’internet est facilement accessible aux enfants à Madagascar car 78,3% des enfants enquêtés 6 villes utilisent l’internet
- Les garçons ont plus accès à internet compare aux filles (respectivement 82,3% et 75,4%)
- L’utilisation d’internet est plus élevée en milieu urbain (87,8%) qu’en milieu péri-urbain (56,4%)
- 44,8% des enfants commencent à utiliser l’internet entre 14 et 16 ans, mais de plus en plus d’enfant commencent à utiliser internet avant 13 ans (24,7%)
- 58,1% des enfants se connectent souvent sur internet c’est-à-dire plus de 5 fois par semaine
- 81,9% des enfants passent aussi plus de 2 heures en ligne à chaque fois qu’ils se connectent
- Ceux qui ont entre 15 et 17 ans (87,3%) passent plus de temps (plus de deux heures) sur internet que les enfants plus jeunes (66,6%)
- 86,0% des enfants préfèrent se connecter chez eux en utilisant leur smartphone.
«S’ils (les enfants) ont des téléphones, ils se connectent souvent à la maison» Mère, Antananarivo «N’ importe où, à la maison, en classe, au lit, même quand ils font leurs besoins, ils ne se séparent jamais du Facebook » Mère, Taolagnaro
- 46,9% des parents des enfants enquêtes utilisent internet. Les plus jeunes parents ayant entre 15 et 24 ans (85,7%) utilisent internet bien plus que les parents qui ont plus de 50 ans (34,5%).
- Les pères ont plus accès à l’internet que les mères car 59,8% des pères enquêtés utilisent internet contre 40,5% des mères
Les principaux obstacles à l’utilisation d’internet chez les enfants :
- 21,7% des enfants dont 17,7% des garçons et 24,6% des filles enquêtés n’ont jamais utilisé internet.
- Pour ceux qui n’utilisent pas internet 53,6% ne sont pas autorisés par leurs parents, 52,9% ne disposent pas d’appareils/ matériels pour se connecter.
- 63,7% des enfants entre 9 et 14 ans qui n’utilisent pas internet ne sont pas autorisés par leurs parents contre 35,1% des enfants ayant plus de 15 ans.
« Les parents n’ont pas d’argent donc les enfants ne peuvent pas utiliser l’internet » Mère, Mahajanga
- Certains parents n’autorisent pas leurs enfants à utiliser internet avant qu’ils soient majeurs et matures» Enseignant, Antananarivo
Activités en ligne des enfants :
- Facebook reste la plateforme la plus utilisée par les enfants enquêtés dans les 6 villes. 99,2% des enfants enquêtés utilisent Facebook
- Une grande majorité des enfants (87,8%), surtout les filles (89,3%) utilisent l’internet pour discuter avec des ami(e)s en ligne et se faire de nouveaux ami(e)s. Les garçons (46,2%) sont plus attirés par les jeux en ligne et les vidéos et films compares aux filles (36,3%).
- Le besoin des enfants à socialiser sur internet les mènent parfois à être exposés aux dangers de l’internet dont l’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne.
- Une part non négligeable d’enfants (53,8%) utilise les réseaux sociaux pour communiquer avec des inconnu(e)s qui deviennent peu à peu des ami(e)s virtuels et deviennent aussi des connaissances et des ami(e)s proches dans la réalité au fur et à mesure ou le temps passe.
- Il y a plusieurs offres Facebook que les enfants. Avec 100 Ar ils peuvent accéder à Fb seulement. Il y a même un mode gratuit pour Facebook au cas où les enfants n’ont pas d’argent pour acheter les offres tous les jours. C’est pour cela que Facebook est plus populaire que les autres plateformes »
Mère, Antananarivo
- Les jeunes utilisent internet pour voir les dernières tendances ; publier des photos, pour les filles elles vont parler avec des étrangers car elles veulent se marier avec.» Enseignant, Taolagnaro
- Les garçons utilisent internet pour télécharger des vidéos, jouer en groupe, pour les filles c’est pour publier des photos sexy afin d’attirer des hommes étrangers» Mère, Mahajanga
Compétences des enfants dans l’utilisation des Technologie d’information et de communication et de l’internet :
- Les enfants issus des 6 villes d’enquête ont des compétences limitées à l’utilisation d’internet car plupart des enfants (54,9%) ont affirmé avoir eu besoin d’être encadrés et assistés pendant qu’ils utilisent internet.
- Les enquêtes qualitatives montrent que souvent ce ne sont pas les adultes compétents qui encadrent les enfants. Les amis sont plus souvent ceux qui encadrent les enfants dans l’utilisation de l’internet
- Les parents et les enseignants perçoivent pourtant que les enfants ont un niveau très élevé de connaissance et compétence en informatique et utilisation d’internet. D’où l’absence d’implication de ces derniers dans l’assistance aux enfants
- les enfants demandent souvent à leurs amis de leur ouvrir un compte Facebook et de leur apprendre à l’utiliser » Mère, Nosy Be
- Même si on les apprend pas, les enfants utilisent Facebook avec leurs amis donc ils s’assistent entre eux, pas besoin d’adulte. » Enseignant, Antananarivo
Protection des enfants en ligne :
- Selon les enfants, 48,5% des parents supervisent ou font le suivi des enfants pendants qu’ils utilisent internet.
- Les résultats qualitatifs montrent que le manque de temps et le manque de compétence des parents font qu’ils ne peuvent pas suivre leurs enfants lorsqu’ils utilisent internet.
- Lorsque les parents ont été questionnes sur les sites que les enfants ne doivent pas visiter, 93,5% ont mentionné les sites pornographiques et 72,1% ont énoncé les sites violents. Seulement 57,3% des parents ont affirmé qu’il fallait interdire l’accès aux les sites de rencontres aux enfants.
- La supervision des enfants dans l’utilisation de l’internet à l’école reste encore insuffisante. Un peu plus de la moitié des enfants (55,6%) utilisant internet à l’école affirment être suivis/ supervisés par les responsables des écoles.
- Le manque de régulations dans les cybercafés fait que les enfants ont un accès facile et sans restrictions aux sites de rencontre et sites pornographiques dans ces endroits. 74,2% des enfants qui vont dans les cybercafés pour surfer sur le net ne savent pas s’ils sont surveillés par les responsables / gérants des cybercafés. Et 10,3% affirment qu’ils ne sont pas suivis par ces derniers.
- Selon les enquêtes auprès des gérants de cybercafés, 82,2% des cybers rencontrés ne sont pas régis par des codes de conduite et dans plus de 90% des cas, les cybers ne prévoient pas de poste pour les enfants de moins de 18 ans.
- Mieux vaut leur donner la permission pour mieux les contrôler car dans le cas contraire ils l’utiliseraient en cachette et c’est dangereux. Personnellement, j’autorise mes enfants à utiliser l’internet » Père, Nosy Be
- nous ne savons même pas lire, comment allons-nous les surveiller ? même s’ils nous montrent ce qu’ils font sur Facebook nous ne faisons que regarder des photos. » Mère, Mahajanga
- Nous n’avons pas le temps, nous sommes trop occupés par le travail et les autres responsabilités.
Nous sortons de la maison le matin et ne rentrons que le soir. Nous sommes fatigués » Mère, Nosy be
- Même si nous interdisons les enfants à accéder aux sites pornographiques, ils pourront toujours aller dans les cybers et là-bas il n’y a pas vraiment de régulation. » Père, Toamasina
Situation des abus et exploitation sexuelle des enfants en ligne dans les 6 villes :
- 44,4% des enfants enquêtés utilisant internet ont vécu au moins une expérience d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne.
- Les filles sont plus exposées à ces abus et exploitation car 46,9% ont vécu au moins une de ces expériences contre 41,1% des garçons
- 50,1% des enfants enquêtés de 16 à 17 ans ont subi au moins une forme d’abus et exploitation sexuel en ligne contre 27,9% des enfants enquêtés qui ont moins de 15 ans.
- Les auteurs d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne en général sont plus souvent des hommes (dans 67,6% des cas) et des Malagasy (dans 52,4% des cas)
- J’ai commencé à utiliser Facebook en classe de seconde, je suis membre dans un groupe où on peut trouver beaucoup de films, un jour, quelqu’un a fait une publication qu’il vendait des films X de toute sorte (malagasy, étranger, jeunes, adultes) j’ai été tenté et j’ai acheté. J’ai envoyé de l’argent par M vola et le vendeur envoie la vidéo par message privé » Garçon de 16 ans ayant été expose à des vidéos à caractère sexuel. Antananarivo
- Sexting : 43,1% des enfants ont déclaré avoir reçu des contenus à caractère sexuel sur internet tandis que 5,4% ont en envoyés. 65,2% des messages reçus/envoyés par les enfants sont adresses/envoyés par des amis.
- J’ai vécu cette expérience l’année dernière. Nous avons un groupe de discussion en ligne avec mes amies de l’école et c’est là où on discutait quand on ne se voyait pas. Une de mes amies nous a envoyé un lien ou on pouvait regarder des vidéos pornographiques et après un certain temps elle nous a encouragés à nous filmer et envoyer une vidéo de nous en train d’utiliser des accessoires pour nous masturber en regardant la vidéo. Elle nous a envoyé une vidéo en premier. J’étais en train de me filmer quand la banane que j’ai utilisée c’était coincée à l’intérieur. Je suis allée voir le Gynécologue avec ma mère. » Fille, 13 ans, ayant vécu une expérience de sexting, Mahajanga
- Streaming d’abus sexuel sur enfants : 2% des enfants ont déjà fait des vidéos à caractère sexuel en direct sur internet (streaming). Les enfants participent aux streamings à caractère sexuel car la personne leur a demandé (58,3% des cas), ils ont été contraints de le faire (8,3%des cas) car ils ont reçu des pressions indirectes qui font qu’il était devenu difficile de refuser (8,3% des cas) et parce que c’est amusant (16,7% des cas). L’audience des streaming est surtout compose d’hommes (75%) étrangers (50%). Dans 42,9% des cas, ce seraient les « ami(e)s sur internet » qui seraient les principaux spectateurs des vidéos en streaming tournées par les enfants.
- Je suis en classe de 3e, j’ai commencé à utiliser Facebook à l’âge de 15 ans nous sommes 5 et notre principale activité était de faire un shooting et poster nos photos dans des différents groupes. Puis une dame m’a envoyé un message que si nous le voulions, elle pouvait acheter nos photos. Puis après, nous nous sommes donnees un rendez-vous et nous nous sommes rencontrées, elle nous a expliqué que si nous étions intéressées, nous ferions des vidéos en direct et nous exécuterons ce que nos clients demandent, par ex : enlever nos hauts. 1 vidéo coute 5000 Ar, nous travaillons tous les samedis et mercredi après-midi et il y a un hôtel où nous le faisons. Nos publics sont des étrangers et malagasy, ce sont tous des adultes âgés de 40 à 85 ans .je ne me sens pas gêner car j’ai du plaisir en faisant les vidéos, de plus je gagne d’argent donc je ne trouve pas pourquoi je me plaindrai. » fille, 16 ans, ayant vécu une expérience streaming à Taolagnaro
- Sextorsion : 2,9% des enfants ont déjà été victime de sextorsion. Dans 24,2%des cas, les auteurs de sextorsion réclament des relations sexuelles aux enfants, 15,2%veulent recevoir encore plus de photos/vidéos à caractère sexuel. Les auteurs de sextorsion sont majoritairement des hommes (57,6%) et d’origine malgache (60,6%). 21,2% des auteurs de sextorsion seraient ces « ami(e)s » sur internet. 6,1% sont des connaissances des enfants et dans 12,1% des cas, ce sont les ami(e)s dans la vie réelle des enfants.
- J’ai rencontré mon ex dans un bus, il avait 10 ans de plus que moi. Il ne travaillait pas à Tana et nous ne pouvions pas nous voir souvent, donc, nous discutions sur Facebook tous les jours, du matin au soir, toute une nuit même. Après 2 mois, il a su que j’étais amoureuse de lui et il m’a dit que lui aussi il m’aimait. depuis, il est devenu très jaloux et a demandé mon mot de passe Facebook. Même s’il n’a pas donné le sien je lui ai donné le mien. Peu de temps après, il m’a dit que pour vérifier si je suis sage et fidèle je devrais lui envoyer la photo de mon vagin, au début, j’ai refusé mais il m’a persuadé que cela resterait entre nous, notre secret, j’ai accepté car je ne voulais pas rompre avec lui. Il y a eu un moment où nous nous sommes disputés et il m’a menacé qu’il publierait mes photos dans lesquelles j’étais toute nue si j’arrête de lui envoyer des photos. Par peur, j’ai été obligée d’accepter ses demandes et n’ai pas osé parler de tout ça même à mes amies. Nous avons même fait des masturbations online et il n’a même pas honte de dire que ses amis lui ont posé beaucoup de questions sur mes photos et vidéos » fille, 17 ans ayant vécu une expérience de sextortion, Antananarivo
- Online grooming : 69,2% des enfants enquêtés issus des 6 villes sont exposés à l’online grooming par des inconnus car ils ont déjà discuté avec des inconnu(e)s en ligne. Parmi ces enfants, 31,1% ont déclaré avoir déjà eu un rendez-vous avec un de ces inconnu(e)s dont 49.8% avec des personnes ayant plus de 18 ans. La plupart des groomers que les enfants ont rencontrés dans la vie réelle sont des hommes (47,8%) et des Malgaches (89,7%). Parmi les enfants qui ont rencontré des inconnus sur internet, 36,4% ont reçu des demandes de faveurs de la part de leur groomer. 65,2% des enfants à qui les groomers ont demandé des faveurs sexuelles ont reçu des promesses à leur tour. Dans 68,3% des cas, les enfants reçoivent des promesses d’argent de poche en contrepartie des faveurs sexuelles. Parmi les enfants qui ont discuté avec des inconnu(e)s en ligne 34,8% ont reçus des contenus à caractère sexuels venant de ces inconnu(e)s. Les auteurs de cette forme d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne sont dans 71,4% des cas des hommes et des étrangers (dans 47% des cas )
« Je suis une fille de 17 ans, je ne vais plus à l’école. Quand j’avais 15 ans un garçon m’a envoyé une demande d’amis. J’ai regardé sa photo et ses informations et il paraissait encore jeune, probablement ayant le même âge que moi alors j’ai accepté. On a commencé à discuter et il m’a promis beaucoup de choses. Après 2 mois de conversation sur Fb, j’ai finalement accepté de le rencontrer. Arrivé sur le lieu de rencontre j’ai été surprise car il y avait non pas 1 mais 8 hommes qui étaient bien plus âgés que celui qui était sur la photo sur FB. Je n’ai pas pu fuir, j’ai été obligée d’accepter ce qu’ils ont voulu faire de moi et ils m’ont violé. Après cela ils m’ont laissé la et c’est un passager qui m’a vu et qui m’a ramené au centre Vonjy. J’ai bénéficié toutes les prises en charge. Cette expérience m’a traumatisée et je n’utilise plus Fb depuis » Fille, 17 ans, ayant vécu une expérience d’online grooming a l’âge de 15 ans, Mahajanga
Réponses des enfants face aux expériences d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne :
- 32,6% des enfants qui ont vécu au moins une forme d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne ont pris des dispositions en ligne.
71,2% ont bloqué l’agresseur et 31,0% ont supprimé/arrêté de regarder les contenus à caractère sexuel qu’ils ont reçu. Par contre, 5,7% des enfants ont continué à échanger avec la personne, 4,3% ont conservé les contenus à caractère sexuel qu’ils ont reçu et 1,8% ont satisfait la demande de l’abuseur.
- Sexting : La plupart des enfants qui ont vécu des épisodes de sexting (67,5%) n’ont rien intenté contre leur agresseur en ligne
- Sextorsion : Apres les expériences de sextorsion, 21,2% des enfants victimes ont décidé de bloquer les abuseurs et 12,1% ont changé leur identité en ligne. 66,7% des enfants qui ont été victimes de sextorsion ont avoué encore conserver les contenus à caractère sexuel qu’ils ont envoyés à leurs abuseurs
- Sur Facebook j’ai rencontré un homme qui est devenu mon copain, il avait peut-être 25 ans.
Comme nous étions ensemble donc on s’envoyait des photos et on discutait. Il habite très loin, à Nosy be, on discutait sur « Facebook et WhatsApp ». Il envoyait des photos nues de lui et moi aussi.
On a déjà eu des rapports sexuels. Plus tard j’ai su qu’il sortait avec une autre fille donc j’ai voulu rompre mais lui il ne voulait pas. Il a dit que si je le quitte il va publier toutes les photos nues et vidéo pornographiques que je lui ai envoyées. Il m’a piégé car j’ai effacé toutes les photos qu’il m’a envoyé pourtant il a gardé toutes les photos que j’ai envoyé. Jusqu’à maintenant on est ensemble, je ne peux pas mettre fin à notre relation pourtant je ne supporte pas les choses qu’il m’a fait subir. » Fille, 16 ans, Toamasina
- Online grooming : 37,3% des enfants qui reçoivent des photos ou vidéos venant d’inconnus ont choisi de ne rien faire, tandis que la réaction des 53,7% est de bloquer la personne concernée.
«A chaque fois que je suis en ligne il y a toujours une fille/femme qui m’envoie des messages. Elle flirte avec moi et m’envoie des photos nues. Quand je la demande pourquoi elle m’envoie des photos comme cela, elles me répond, qu’elle m’aime etc. Ensuite, elle voulait me rencontrer puis je l’ai bloqué. » Garçon, 16 ans, Nosy be
- Seulement 30,3% des enfants qui ont vécu au moins une forme d’abus et exploitation en ligne ont choisi de parler de leur expérience à une personne de leur entourage proche. 76,6% se sont confiés à leurs amis proches, respectivement. Ceux qui se confient à leur parents (15,7%) ou leurs frères et sœurs (16,5%) sont moins nombreux. Aucun enfant n’a avoué avoir approché les forces de l’ordre.
- Les Abus et exploitation sexuels des enfants en lignes engendrent des conséquences psychologiques à court et à long terme sur les enfants qui peuvent avoir des impacts plus importants sur leur sexualité, leur réussite scolaire, leur vie sociale, sans parler du sentiment de trahison à l’égard de leur abuseur avec qui ils/elles ont développé de l’affection.
Soutien et accompagnement aux enfants dans la prévention et réponses à l’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne
- Le manque d’implication des parents dans la vie en ligne des enfants est alarmant dans les 6 villes. 9% des parents pensent que leurs enfants n’ont jamais vécu une expérience d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne alors que 44,4% des enfants ont affirmé le contraire.
- 28% des parents n’ont rien fait par rapport à l’utilisation d’internet de leurs enfants après avoir eu connaissance des abus et exploitations en ligne vécu par leurs enfants.
- Seulement 20% des parents d’enfants ayant vécu des formes d’abus et exploitation en ligne ont avoué avoir aidé leurs enfants à supprimer leur profil en ligne ou bloquer leurs abuseurs.
- La mesure prise par 24% des parents consiste tout simplement à interdire l’utilisation d’internet et des réseaux sociaux aux enfants.
- Parmi les parents ayant des enfants qui ont déjà eu des expériences d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne, 44% ont choisi de ne prendre aucune mesure (incluant la traduction en justice, l’approche d’organismes de prise en charge).
- La population générale ne connait que les prises en charges judiciaires et les prises en charge médicales au cas où l’enfant a subi un viol par exemple. Quand il s’agit de violences en ligne, les parents ne savent pas quoi faire. Donc ils ne font rien. » Acteur œuvrant dans la prise en charge psychosociale Antananarivo.
«L’utilisation de l’internet est tellement nouvelle pour la plupart des parents et des enfants que la majorité de la population ni même les organismes de prise en charge d’ailleurs ne savent pas ce qu’il faut faire pour faire face à cela. » Acteur œuvrant dans la prévention des violences, Antananarivo
- 16% des parents ont demandé conseil auprès de leur entourage.
- Pourtant les enfants comme les parents connaissent l’existence des forces de l’ordre. La police (63,6%) et la gendarmerie (52,5%) sont les organismes de protection de l’enfant les plus populaires auprès des enfants qui ont participé à l’enquête. Cependant aucun enfant et une faible proportion de parents (4%) ont été voir ces forces de l’ordre.
- Seulement 4,9% des enfants et 8,7% des parents enquêtés dans les 6 villes connaissent l’existence du site www.arozaza.mg. 6,5% des enfants et 12,3% des parents enquêtés affirment connaitre l’existence de la ligne verte 147.
- La méconnaissance des enfants et des parents des lois sur la protection des enfants en ligne pourrait contribuer à la non-dénonciation des cas d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne et un obstacle majeur à la prévention du fléau. 81,3% des enfants et 70,8% des parents ne connaissent pas les lois concernant la protection des enfants en ligne.
- Les résultats des enquêtes qualitatives montrent que les enfants comme les parents ne prennent des mesures que lorsque les abus et exploitations sexuels des enfants en ligne entrainent des séquelles physiques graves chez les enfants ou quand il y a eu des abus hors ligne.
«Cette histoire a commencé au lycée. Une fois, sur la route pour rentrer à la maison, le prof m’a appelé et m’a demandé si j’utilise Facebook. Je lui ai dit que je suis sur Facebook, il m’a dit qu’il va m’envoyer une demande d’ami. Quand j’ai ouvert mon compte Facebook, j’ai accepté la demande d’ami. Un jour après, il m’a demandé sur Facebook si j’aime regarder des photos ? j’ai dit oui parce que je croyais que c’était des photos de dessin animé, donc il m’a tout de suite envoyé une photo. Pourtant la photo qu’il a envoyée n’était pas comme j’ai espéré. Il m’a envoyé une photo d’une femme et d’un homme nus en train de s’embrasser. Le lendemain on s’est rencontré au lycée, j’ai eu honte, puis il m’a demandé si j’ai aimé la photo ? Je n’ai pas dit un mot, je l’ai juste regardé.
Plus tard, je n’ai pas osé raconter cette histoire à quelqu’un même à la maison. Plusieurs jours après il m’a demandé d’apporter un cahier chez lui, parce qu’il va me donner de l’argent don j’ai accepté. Lorsque j’étais chez lui, il m’a dit qu’on allait refaire ce qu’il y avait sur la photo qu’il m’a envoyé. J’ai refusé après il m’a violé. Quand je suis rentré, je n’ai raconté à personne ce qui s’est passé. C’est ma mère qui a remarqué que quand je marchais bizarrement donc j’étais obligé de raconter tout à ma mère. Nous sommes allés voir le médecin et la police, le professeur est maintenant en prison. »
Garçon, 16 ans, Antananarivo
LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
Sensibilisation :
La promotion de l’utilisation de l’internet en toute sécurité par les enfants à travers :
- La sensibilisation des parents et de la population générale sur l’importance d’offrir des opportunités aux enfants à utiliser les Technologies d’information et de communication ainsi que l’internet et à les maitriser
- La sensibilisation des enfants face aux dangers liées à l’utilisation d’internet et des Technologies d’information et de communication s’ils ne sont pas maitrisés
Le renforcement de la communication sur les formes et les conséquences de l’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne à la population générale à tous les niveaux à travers:
- La promotion d’un message d’auto protection des enfants dans l’espace en ligne, en encourageant l’instauration des règles de conduite en ligne
- L’élaboration de matériels de sensibilisation approprie et adéquate en ciblant les différentes tranches d’âge et les filles et garçons comme pertinent. Dans la mesure du possible ces matériels doivent être élaborés de manière consultative en impliquant les enfants et les jeunes.
La promotion des actions visant à encourager le signalement des Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne et des violences envers les enfants en général à travers :
- L’intensification des messages sur l’importance et le devoir de signalement en faisant la promotion du « fihavanana » pour protéger les enfants dans la communauté plutôt que pour préserver les abuseurs
- La promotion de la participation de la communauté en ligne et hors ligne dans la prévention et le signalement des cas d’Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne
- Le partenariat avec les ONGs ou organismes pouvant contribuer à la sensibilisation des enfants et des parents
- La sensibilisation de la population surtout les enfants et leurs parents sur les organismes de signalement tels que la ligne verte 147 ou le site www.arozaza.com
- La promotion et vulgarisation des lois pour que la population surtout les enfants et les parents aient connaissance de leur droits afin de lutter efficacement contre les Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne à Madagascar. Les lois spécifiques concernent: la cybercriminalité et toutes autres lois visant la protection des enfants.
Education :
L’éducation sur les Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne et l’utilisation des Technologie d’information et de communication à l’école à travers :
- L’introduction des thèmes de la sécurité des enfants liée aux Technologie d’information et de communication et des AESEL dans le programme scolaire pour les enfants âgés de 9 à 17 ans ; à savoir : la gestion de la confidentialité en ligne, la sextorsion, l’online grooming, prévention des abus et exploitation sexuels des enfants en ligne, concernant les images auto-générées, le streaming etc.
- La promotion des thématiques liées à l’abus et exploitation sexuelle des enfants en ligne en tant que partie intégrante de l’éducation sexuelle complète au niveau des écoles.
La promotion de l’éducation des parents à travers :
- L’élaboration de programme de formation des parents en Technologie d’information et de communication pour qu’ils puissent améliorer leur culture numérique et participer à des activités en ligne avec les enfants pour mieux évaluer et prévenir les préjudices possibles.
- La mobilisation des parents pour promouvoir un engagement plus pousse des parents dans le suivi des activités en ligne des enfants
L’implication des enseignants et des personnels d’école dans la protection de l’enfant dans l’utilisation des Technologie d’information et de communication et dans la prévention des Abus et exploitation sexuels des enfants en lignes à travers :
- Le renforcement de capacité des enseignants et personnel d’école sur les différentes façons d’utiliser les Technologie d’information et de communication qui peuvent avoir des effets négatifs sur les enfants.
- L’élaboration de politique de sécurité en ligne par les autorités éducatives ; incluant des mesures telles que la mise en place de mécanismes de signalement.
Mise en place d’un environnement protecteur pour les enfants :
La responsabilisation des écoles dans la prévention des Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne à travers :
- L’installation des dispositifs de filtrage dans les ordinateurs d’école
- Le développement de programmes de surveillance/aide par les pairs à l’école car les enfants cherchent à obtenir le soutien de leurs pairs lorsqu’ils rencontrent des problèmes avec les Technologie d’information et de communication. Cette initiative peut aussi être mise en place au niveau de la communauté en partenariat avec les associations de jeunes comme les scouts
La responsabilisation des Cybercafés dans la prévention des Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne à travers :
- L’implication du ministère de tutelle (Ministère des postes et de télécommunication) en collaboration avec les autres acteurs dans l’élaboration/ l’adoption/ renforcement des codes de conduite pour les cybercafés afin de s’assurer que les politiques et les pratiques en matière de sécurité des enfants sont établies et mises en œuvre dans les cybercafés.
- La mise en place d’un standard de pratiques pour les cybercafés, sous l’étroite surveillance des autorités afin que leurs services puissent être rendus plus sûrs pour les enfants. (exemple : la création de postes pour les enfants dans les cybers)
La participation du secteur privé à la promotion de la sécurité sur Internet à travers:
- L’implication des fournisseurs de services internet et téléphonie mobile, dans la sensibilisation du public à la sécurité en ligne des enfants à travers les medias pour assurer la diffusion rapide des messages clés adaptés concernant la lutte contre les VBG
- Le développement d’outils et des ressources en partenariat avec les organismes œuvrant dans la protection de l’enfant pour informer et éduquer les enfants et les parents sur les risques et l’utilisation des paramètres de confidentialité.
- La mise à disposition des solutions techniques aux utilisateurs, visant à prévenir / faire face l’exposition à des contenus inappropriés : telles que les outils de contrôle parental, les listes d’utilisateurs bloqués ou autorisés, ou encore le filtrage de contenu.
- La collaboration avec les acteurs concernés pour améliorer l’efficacité du signalement des cas d’exploitation sexuelle en ligne comme : l’amélioration de la qualité des lignes verte.
La mise en place d’un cadre légal favorisant la protection des enfants en ligne à travers :
- La prise en compte de l’importance des Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne dans la politique nationale de la protection de l’enfance.
- Le renforcement/application stricte de conséquences légales pour le non-signalement ainsi que pour les responsables des organismes de prise en charge qui encouragent l’adoption d’arrangements à l’amiable.
- Le renforcement/application stricte des sanctions à l’encontre des abuseurs, consommateurs de matériels à caractère sexuel mettant en scène des enfants,
Le renforcement de l’engagement institutionnel dans la lutte contre les Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne à Madagascar à travers :
- La promotion de l’engagement du réseau de protection de l’enfant dans la prévention des Abus et exploitation sexuels des enfants en ligne au niveau dans toutes les régions.
- Le renforcement de capacité des acteurs principaux œuvrant dans la protection de l’enfant en prévention et réponses aux différentes formes d’abus et exploitation des enfants en ligne.
- Création d’un répertoire des organismes œuvrant dans la prévention et réponse concernant les abus et exploitation sexuels des enfants en ligne à tous les niveaux (région, district, commune)
- L’élaboration des schémas de référencement pour traiter les différents cas d’Abus et Exploitation Sexuels des enfants en ligne. Ils devront être crées et validés avec tous les acteurs impliqués dans la protection de l’enfant. Ces schémas de référencement informeront les acteurs principaux impliques dans la protection de l’enfant sur les procédures standards à suivre pour chaque forme d’abus et exploitation sexuels des enfants en ligne.